MORAND (Paul)

Champions du monde

Paris, Grasset, Coll. "Pour mon plaisir", 1930

In-4 (22 x 16,8 cm), demi-chagrin havane à coins, dos à 4 nerfs plats, tête dorée, double couverture et dos conservés (reliure signée de Goy & Vilaine), 341 pp., 3 ff. n. ch. (achevé d'imprimer, 2 ff. blancs)

Édition originale.

Un des 15 exemplaires réimposés in-4 Tellière imprimés sur Montval (après 3 ex. sur Japon nacré et avant 31 ex. sur vélin d'Arches et 112 ex. sur vélin pur fil), le n° V.

Il a également été tiré 56 ex. sur papier Annam de Rives, 24 ex. sur papier or Turner, 186 ex. sur vélin de Rives et, hors commerce, 4 ex. sur Vieux Japon et 43 ex. sur papier héliotrope en sus des exemplaires 2 500 ex. au format in-8 sur papier alfax Navarre.

Exemplaire truffé d'une intéressante lettre tapuscrite signée de 2 pp. in-4, adressée par Paul Morand à Marcel Thiébaut le 17 juin 1930 en réaction à la chronique de Champions du monde qu'il venait de publier dans la Revue de Paris.

Transcription :

"Je suis très touché que vous ayez consacré ce long article dans la Revue de Paris à Champions du monde, qui cache déjà de son encombrante publicité la moitié de votre immeuble avenue des Champs-Élysées.

Vous avez très bien rendu et expliqué au public une partie de ce que j'avais voulu faire dans ce livre, c'est-à-dire une galerie de portraits, destinés à entrer dans le cadre sentimental-ethnographique de ma Chronique du XXe siècle. Ce qui m'a ennuyé cependant, c'est que vous n'ayez pas vu quelle émotion il y a dans ce livre et qu'il vous ait paru sec ; je ne parle pas seulement de sa présentation romantique (scène de la prison, scène de la mort de Webb, etc), mais aussi des rapports plus profonds et plus humains que ces êtres ont entre eux, alors que dans Bouddha Vivant, par exemple, le conflit est un vraiment un duel d'idées.

Pour prendre comme exemple cette scène de la prison, vous la désignez comme un morceau de brillant, ce qui laisse croire que j'ai fait une description pittoresque du décor de la vie des prisonniers, etc, etc ; or, le côté matériel de cette scène se réduit à huit mots, et le reste se passe entre les cœurs des trois individus. Votre critique, qui d'ailleurs ressemble à celle de Thérive (charmante galerie de portraits, etc) ne m'obligera pas à l'avenir à tirer le mouchoir et à verser des larmes de crocodile, tout comme un auteur dramatique ; car nous sommes à une époque où les sentiments et les paroles, dès qu'ils arrivent à une certaine intensité, restent à la gorge, ou bien sont refoulés (appelez-ça le romantisme 1930, si vous voulez, mais c'est un fait), ce que tous les gens qui ont vingt ans en ce moment, comprennent.

Si la troisième partie de Champions du monde n'est pas ce qu'il y a de plus émouvant dans mon œuvre, alors, je ne sais vraiment que penser.

Je crois qu'en littérature l'exemple doit nous être donné par un homme comme Stravinsky, à qui le public réclame éternellement le pittoresque multicolore de Petrouchka, et qui, pour toute réponse, lui donne Noce ou Œdipe.

Veuillez me croire, mon cher ami, votre tout dévoué. / Paul Morand".

Bel exemplaire.