Stèles
Pei-King, Des presses de Pei-Tang, 1912
29 x 14 cm, imprimé d'un seul côté sur une feuille pliée en accordéon formant 102 pages, couvertures de papier beige avec étiquette de titre blanche imprimée en noir collée sur le premier plat.
Edition originale soigneusement imprimée à Pékin, dédiée à Paul Claudel. Le volume se ressent de son origine : format étroit, texte encadré d’un filet en paragraphes avec ressauts, mots imprimés en chinois, 6 grandes calligraphies à pleine page gravées sur bois et enfin montage en accordéon d’un seul tenant.
Un des 81 ex. num. sur papier impérial de Corée du tirage de tête, non commis à la vente (le nôtre le n°37), réservés aux parents et amis et aux personaliés que Victor Segalen se devait d'honorer (premier papier avant 200 ex. sur vélin).
Exemplaire enrichi d’une dédicace signée de Victor Segalen : «A Jean Chabaneix en parfaite sympathie littéraire & amitiés - A Madame J. Chabaneix, en respectueux hommage. Victor Segalen. Tientsin - Août 1912».
Cette dédicace est complétée par neuf idéogrammes chinois tracés par Victor Segalen à l’encre noire, citant Zeng Zi, disciple de Confucius, dont la retranscription en pin-yin est la suivante : «Zeng Zi yue: jun zi / yi wen hui you» (Un vrai gentilhomme, un homme sage trouve ses amis grâce à ses écrits).
Complet du sceau de justification de tirage apposé au colophon et le sceau de Mi Yuan apposé en page suivante, il ne comporte pas le troisième sceau figurant habituellement en fin d’ouvrage mais comporte un sceau supplémentaire en page de dédicace.
L'exemplaire est présenté dans sa couverture de papier beige d'origine (petite marque de gras sur le second plat) mais sans habillage (ni plaquettes de camphrier, ni plaquettes de carton). L'absence d'habillage et du troisième sceau pourrait s'expliquer par le fait que l'exemplaire ait été donné par Victor Segalen à son confrère médecin en août 1912, soit immédiatement après son impression datant du 13 août 1912 (cf. lettre de Victor Segalen à Jean Lartigue du 11 août 1912 annonçant l'impression des 20 premiers exemplaires).
Il s'agit de l'exemplaire du Docteur J. Chabaneix (1870 - 1913), médecin de marine, professeur à l'école de médecine de T'ien-Tsin ; sorti de l'Ecole de Bordeaux dans le Corps Colonial, envoyé en Chine en 1905, frère du Dr Paul Chabaneix, dont Victor Segalen avait cité sa thèse, «Influence du subconscient dans les oeuvres de l'esprit» (Bordeaux, 1897) dans Les Cliniciens ès-lettres, et qui publia des poèmes avec sa femme sous les pseudonymes de Marie et Jacques Nervat.
En janvier 1911, Victor Segalen fut envoyé à Shan-haiguan (Chan-hai-kouan), ville située à 400 km à l'est de Pékin, pour diriger, à la place du Dr J. Chabaneix rappelé à T'ien-Tsin, les services de la quarantaine établie dans cette localité contre les personnes arrivant de Mandchourie où une épidémie de peste venait de se déclarer. Il y resta quelques jours avant de rejoindre T'ien-Tsin 2 mois plus tard, après une quarantaine à Takou. En prenant son poste de Professeur à l'Ecole de médecine de T'ien-Tsin en remplacement du Dr Mesny, mort de la peste, Segalen y retrouve le Docteur J. Chabaneix.
La correspondance de Victor Segalen (Fayard, 2004), nous apprend que malgré un premier contact distant, les deux médecins devinrent rapidement de proches amis. Ils appréciaient les mêmes lectures, Claudel, Gilbert de Voisins ... J. Chabaneix reçut naturellement l'un des tous premiers exemplaires dédicacés des Stèles, en grand papier, fraîchement sortie des presses du Pei-T'ang en août 1912.
Le Dr Chabaneix fut emporté moins d'un an plus tard par le typhus contracté au sein de l'hopital. Victor Segalen en informa ses amis dans une émouvante lettre datée du 1er mai 1913 : "Chabaneix, frère de "Marie et Jacques Nervat" était l'un des plus compréhensifs lecteurs de nous autres aujourd'hui. Il goûtait ce qu'il aimait comme peu savent le faire. Et la vie - toujours la vie... Il m'a dit "Segalen, vous qui savez les beautés de la vie"... et c'était du délire car en même temps il voyait les flammes."