PASTOUREAU (Henri)

L'Histoire du surréalisme de Nadeau - La Poésie moderne et le sacré de Monnerot

s.d. [1945]

Manuscrit autographe signé, 10 pp. de format in-4 rédigées à l'encre rouge au recto de 10 feuillets quadrillés

Manuscrit autographe signé de cette longue chronique de L'Histoire du surréalisme de Maurice Nadeau et de La Poésie moderne et le sacré de Jules Monnerot, deux ouvrages consacrés au surréalisme qui venaient de paraître en 1945 respectivement au Seuil et chez Gallimard.

[...] C'est ainsi que viennent de paraître deux ouvrages de qualité très diverse : L'Histoire du surréalisme de Nadeau s'adresse au grand public. Elle est nombreuse de données et précise de détails. La Poésie moderne et le sacré de Monnerot s'adresse à un cercle plus restreint d'épistémologistes. Monnerot a regardé d'une haute colline couler la rivière surréaliste. Il faut bien dire que le croquis qu'il a adressé de cette vallée tortueuse est plus satisfaisant que le plan cadastral de Nadeau. [...] Nadeau a crû éviter toutes les difficultés inhérentes à la méthode en parcourant pas à pas un chemin rectiligne qui, parti de Dada, vient se perdre dans l'actualité. Il a rencontré, certes un grand nombre d'hommes dont il a inspecté avec soin les besaces. Mais en ne s'écartant que très peu de sa route, il a laissé, à sa droite et à sa gauche, nombre de graves problèmes qui intéressent au premier chef les principes mêmes de la pensée surréaliste. On me permettra d'en soulever télégraphiquement quelques uns. 1°) Problème de l'ascendance : Le surréalisme n'apparait pas comme génération spontanée, mais, à son heure, comme la conséquence d'une longue suite de termes dont l'ensemble constitue dans l'histoire de la pensée occidentale une tradition [...] 2°) Problème de la naissance :  Quel que soit le rôle de son chef dans l'élaboration et la conduite du mouvement, le surréalisme n'a pas été proféré comme une créature par André Breton [...] 3°) Problème des influences : Influences littéraires d'abord, celle de certains personnages de roman : des Esseintes, le lieutenant Glahn de Pan [de Knut Hamsun], le Lafcadio des Caves [du Vatican]. Influences philosophiques et scientifiques plus ou moins directes [...] 4°) Problème de la destination : Si l'on considère que le surréalisme a toujours tenu la libération de l'homme et celle de l'esprit pour des évènements futurs concomitants et complémentaires, ne convient-il pas après avoir analysé une activité de vingt-cinq années, dont le désordre n'est qu'un revêtement ornemental, d'assigner à cette activité une direction et un sens [...]".

On joint :

PASTOUREAU (Henri)

Deux lettres autographes à Maurice Nadeau

15 octobre [1945] et jeudi

2 LAS au format in-4 formant un ensemble de 3 pp. auxquelles on joint 2 LAS au format in-4 formant un ensemble de 4 pp.

Deux lettres autographes signée à Maurice Nadeau, la première à propos de L'Histoire du surréalisme publié en 1945 au Seuil, la seconde dans laquelle Pastoureau mentionne ne pas comprendre les intentions de Tristan Tzara lorsqu'il "entend inclure dans l'ère dada les diverses manifestations de l'esprit moderne jusqu'à ce jour".

On joint deux lettres autographes d'Henri Pastoureau datées des 31 janvier 1992 et 8 mai 1992 respectivement dans lesquelles il est question du recueil d'Henri Pastoureau "Ma Vie Surréaliste suivi de André Breton, les Femmes et l'Amour" paru aux Editions Maurice Nadeau en 1992.

LAS, 15 octobre [1945] : "15 octobre Mon cher Nadeau, Je viens de recevoir ta lettre. Je veux d'abord te dire que je serais très heureux si les réserves que j'ai formulées à l'égard de ton livre et que je maintiens parce que je les estime importantes n'étaient pas susceptibles d'être jugées par toi de nature à perturber la cordialité de nos rapports et notre vieille amitié. Le ton amical de ta lettre me laisse espérer. Mais sérions mes questions ! 1) J'accepte très volontiers d'organiser avec toi l'exposition du Vieux Colombier. Je te demanderai seulement que nous nous en occupions maintenant car je dois reprendre mon travail le 2 novembre et à partir de cette date je disposerai de moins de temps. Il faudrait donc que nous nous rencontrions aussi tôt que possible. 2) Il n'y a aucune corrélation entre la teneur de mon article et le fait que je n'ai pas pris contact avec toi à mon retour de vacances en vue de l'exposition projetée. Mes vacances ont été désagréablement interrompues. J'ai été malade, hospitalisé, opéré et jusqu'à ces derniers jours mon état de santé ne me permettait pas d'entreprendre autre chose que les petites affaires quotidiennes. Maintenant ça va mieux et nous pourrons faire l'exposition ensemble. 3) je t'accorde que mon article superficiel, très superficiel. Il ne pouvait en être autrement étant donné la disproportion entre le sujet et l'étendue assignée. Je qualifie moi-même de télégraphique l'essentiel de mon développement. Je crois néanmoins avoir souligné implicitement deux objections importantes, à savoir: a) qu'il est à mon sens impossible et inutile de rendre compte de l'activité surréaliste sans la situer dans le mouvement général auquel elle s'intègre ce qui suppose que l'historique de ce mouvement général doit être faite. Le chapitre intitulé par toi "Les Excitateurs du surréalisme" ne correspond pas du tout quoi que tu puisses en penser à cet historique. b) qu'il n'y a pas lieu de considérer que le surréalisme commence avec l'apparition de ce vocable sur la foire littéraire c'est à dire en 1922 et qu'il n'y a aucune rupture dans l'histoire de l'esprit moderne vers cette époque. Cela est manifeste surtout en peinture, mais vrai dans tous les domaines. 4) il y a dans ton livre une phrase que je ne peux absolument pas encaisser : "Qui dira l'influence du surréalisme sur Picasso..." (p. 245). Ceci dit il faudrait que nous nous rencontrions aussi rapidement que possible. Bien à toi, Henri Pastoureau".

LAS : "Jeudi Mon cher Nadeau, J'ai prévenu les amis en leur demandant d'aviser. Je ne comprends pas bien les intentions de M. Tzara. S'il entend inclure dans l'ère dada les diverses manifestations de l'esprit moderne jusqu'à ce jour il ne peut guère espérer d'appui même chez ses amis car ce serait aller contre Picasso, contre la jeune peinture, contre toute la poésie qui ne se réduit pas à l'éloquence de propagande. Le PC ne prendra pas pareille responsabilité. S'il entend confondre l'air dada avec son activité propre jusqu'à ce jour et veut changer de disque, ça le regarde. Nous on s'en fout. Qu'il soit personnellement dadaïste, existentialiste, réaliste, socialiste, populiste ou surréaliste... En tout cas lundi prochain, jour anniversaire de la mort de L. XVI nous serons prêts à toute éventualité. Quant à ce qui est de ce dont je t'avais parlé il y a quelques temps j'y travaille. J'irai te voir un de ces jours au Pavois, mais je ne veux pas venir les mains vides. Bien à toi, Henri Pastoureau".

LAS : "Henri Pastoureau, maison de retraite 53370 Saint-Pierre des Nids le 31 janvier 1992 / Cher Nadeau, Merci pour ta lettre du 24. Le sommaire du recueil d'articles sera donc celui que tu as retenu + Kierkegaard (étapes sur le chemin de la vie). Pour A. B. et les femmes, je te laisse toute latitude. Tu arrangeras ça comme tu l'entends. En ce qui concerne le titre du recueil d'articles, les titre et sous-titre seraient, si tu n'y vois pas d'inconvénients : y=1/x ou approximation(s?) surréaliste(s) ? Ce titre est expliqué au début la préface des 120 journées. Nous tendons vers un idéal sans jamais l'atteindre comme les courbes représentatives des fonctions algébriques de cette forme tendant vers les axes. Ci-joint quelques photos. Je n'en ai pas beaucoup dans mes archives, en ayant distribué à droite et à gauche (que je pourrais essayer de récupérer). Quant au dessin, tu peux utiliser le portrait de Breton par Picasso qui a effectivement illustré mon article sur la poésie presurréaliste d'A.B. Tu peux aussi utiliser tous ou partie des dessins de Max Ernst ayant illustré mon article sur Gala. La photo de celle-ci (par Man Ray) et celle qui servait de frontispice à la Femme visible de Dali (1930). Pour A.B. et les femmes, il faudrait des photos de femmes. Je n'en ai pas. On devrait pouvoir trouver (par Naville ou autres). Simone, Suzanne, Valentine, Jacqueline, Elisa, Aube enfant. Nadja, ce serait sensationnel mais je n'en connais pas. Comme portrait d'hommes, je vois les photos classiques de Breton, Éluard, Péret et Dali. Ci-joint Dali. Je dois avoir quelque part Breton et Éluard mais pas Péret. Ci-joint aussi, rectifié le petit dessin de A.B., l'homme que j'ai connu (Saturne, Uranus et leur conjonction). Si je trouve autre chose, je te ferai un envoi complémentaire. Quand tu n'en auras plus besoin tu me retourneras les documents graphiques et imprimés. Merci ? Cordialement Henri".

LAS : "Henri Pastoureau, maison de retraite 53370 Saint-Pierre des Nids le 8 mai 1992 / à Maurice Nadeau et Anne Sarraute. Chers amis, Je vous remercie de vos envois et communications. Dans l'article de Libé, L'expression "surréaliste assez discret" paraît me bien convenir, de même que celle de "trotskiste peu virulent" dans l'article de L'Orne-hebdo que je vous envoie - par ailleurs approximatif dans la transcription de mes propos. Localement, il y a eu aussi c'est une émission de Radio Mayenne que je n'ai pas entendue. Les filles de service qui l'ont écoutée ont été incapables de me la rapporter. Ceci dit, j'ai reçu une quinzaine de lettres diverses. Je prends dans le désordre : Mark Polizotti - il écrit un livre sur Breton et habite à Boston (USA) satisfait. Henri Béhar - très satisfait. René Zazzo - très aimable. Se maintient dans les généralités et se montre assez profane en la matière. Alain Vuillot - Travaille sur les rapports du surréalisme et de la social-démocratie. Voudrait écrire sur moi une étude spécialement politique. Me parait prendre des détails pour l'essentiel. Marcel Jean - Remet à plus tard l'occasion de râler. Très affectueux. Marguerite Bonnet - Très aimable. Ne commente pas. Annonce pour octobre la parution du tome II des O.C. Robert Zerafo - Peintre, parle de peinture. André Thirion - poli (j'attendais le contraire) mais, d'après lui, à peu près tout ce que je dis "relève de la plus haute fantaisie". S'étend sur la biographie d'Hélène Loeb (amie de Sadoul vers 1926) dont je n'ai donné que le prénom et conteste le rôle de Péret en Espagne - sur lequel je ne me suis pas étendu. Julien Gracq - très aimable mais entend à la fois proclamer son admiration pour Breton et se démarquer du surréalisme. Ne relève pas les réserves que j'ai faites concernant sa conception de la femme-enfant. José Vovelle - Très aimable. Parle de surréalisme nordique. Tom Gutt - Aimable autant que peut l'être un belge. Georges Bertin - responsable des services culturels du département de l'Orne - Prend congé car il est nommé professeur de sociologie à la faculté catholique d'Angers. Claude Courtot : "vous avez une façon d'avoir tort qui me touche infiniment". C'est tout pour le moment. Que pensez-vous des retombées et, s'il n'est pas trop tôt pour en juger, de la vente ? Pourrais-je récupérer les documents qui n'ont pas servi (articles non publiés, photos - en particulier celles du temps où j'étais en Allemagne) ? Avez-vous lu le "roman" ? Qu'en pensez-vous ? Je n'y attache pas beaucoup d'importance mais je l'ai quand même écrit. Bien cordialement à vous Henri Pastoureau".

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