MASCOLO (Dionys)

Lettre à propos d'un article sur Maurice Blanchot

Vendredi 2 [octobre 1966]

1 LAS au format in-8 formant un ensemble de 3 pp.

Belle lettre autographe signée adressée à Maurice Nadeau en préparation de la publication, dans le n°12 de la Quinzaine Littéraire du 16 septembre 1966, d'un article intitulé "Hommage à Maurice Blanchot. Critique n°229 (Juin 1966)".

Dionys Mascolo remercie Maurice Nadeau d'avoir accepté ce texte qui initialement était destiné à l'Observateur, qui l'a refusé le trouvant trop difficile. Il demande qu'un paragraphe concernant les conclusions de Foucault soit ajouté et en fournit le texte sur un feuillet séparé.

LAS : "Vendredi 2 / Chers amis, (Je m'adresse à vous deux ensemble pour le cas ou l'un de vous serai absent.) Merci d'abord d'avoir accueilli, selon ce que Robert vient de me dire au téléphone, l'article sur Blanchot que je destinais à l'Observateur. Le refus de ce texte comme "très difficile" m'inquiètait un peu, je l'avoue, mon principal effort ayant consisté à essayer de faire facile (un peu trop même, il me semblait, et, comme vous avez pu voir, en m'adressant un peu trop exclusivement à des lecteurs qui sont censés n'avoir jamais rien lu de Blanchot - en quoi ce texte n'est pas tout à fait adapté à la Quinzaine, peut-être). Je suis en tout cas heureux, et honoré, de devenir ainsi, accidentellement, collaborateur de votre journal. Je vous envoie un ajout que j'aimerais, si c'est possible, que vous placiez en note (renvoi cinq lignes avant la fin du dernier paragraphe, sur le nom de Foucault). C'est secondaire sans doute, mais puisqu'il est question des conclusions de Foucault, et pour les contester, Je préférerais qu'il soit donné au moins une indication sur le sens de cette contestation (l'illusion de "la littérature" risquant de se substituer à l'illusion de "l'homme"). Si ce n'est pas possible ou si c'est trop tard, tant pis. Amicalement à vous deux, et merci. Dionys.

Quant au titre, s'agissant de Blanchot, je suis sûr que vous penserez comme moi que le plus discret serait préférable. Je craignais beaucoup de la part de l'Observateur, un titre du genre : MB grand méconnu ou : L'Écrivain que seuls les écrivains lisent. Je crois que Hommage à MB, ou Le numéro d'hommage de Critique à MB, ou tout autre titre aussi neutre que cela, conviendrait. Je ne suis ici (à Cavallaire) que pour huit jours et ne vous donne donc pas mon adresse. Si quelque question se posait, que vous ne voudriez trancher vous-mêmes, voulez-vous questionner Robert ?

Est joint le paragraphe à ajouter :

... Les conclusions de Foucault : "au fond qu'est-ce qui triomphe de "l'homme" chez Foucault ? C'est la littérature. Mais comme la littérature ne saurait être triomphante, il conviendrait de faire intervenir aussitôt, pour la sauver de ce désastre, un principe propre à triompher d'elle à son tour, ou (pour renoncer à ces mots qui suggèrent une guerre à mort entre des réalités qui ont besoin les unes des autres, fût-ce en s'opposant, pour rester vivantes) capable du moins de contester en permanence ses pouvoirs. Et si ce principe était l'homme, de nouveau, non plus l'homme postiche des humanistes, mais la vie réelle de l'homme cette fois, sur laquelle, malgré Marx, Freud, et le surréalisme, le voile idéaliste n'a été jusqu'ici qu'à peine soulevé ? Il faut bien qu'il en soit ainsi, sous peine de tomber dans "la littérature" qui n'a rien à envier à "l'homme" humaniste : ils sont de même essence, comme le manifeste bien, et non seulement dans nos sociétés capitalistes, le nouveau parti-pris d'écrivains qui n'ont su apparemment se garder des séductions vieilles de l'humanisme qu'en découvrant de se cloîtrer dans l'illusion plus vieille encore de la "pure littérature"".

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