MORIN (Edgar)

La "Gauche" littéraire

s.d.

Manuscrit de 6 pages in-4, copie carbone pour les 4 premières pages avec corrections et ajouts autographes, quasi intégralement autographe pour les 2 dernières

Manuscrit titré La "Gauche" littéraire, signé en première page par l'auteur (copie carbone pour les 4 premières pages avec corrections et ajouts autographes, les deux dernières pages sont quasi intégralement autographes).

Début de retranscription : « En employant le langage de cette enquête, on pourrait dire que la littérature « de gauche », donnant la prédominance au contenu social sur la forme, serait esthétiquement plutôt gauche que la littérature de droite, donnant la prédominance à la forme sur le contenu, serait plutôt adroite. On pourrait dire que tout oeuvre littéraire a quelque chose de « droite » - son caractère de divertissement, l’approbation qu’elle reçoit, sa part bénie - en même temps que quelque chose de « gauche » - l’insatisfaction dont elle est née, la revendication qu’elle implique, sa part maudite.

Tout ceci n’aurait guère de sens. A mon avis on ne peut répondre à votre enquête qu’en critiquant les notions sur lesquelles elle s’articule : gauche, forme et contenu, littérature.

La critique de la notion de « gauche » a déjà été faite. Je ne dirais pas que l’esprit de « gauche» n’existe pas, mais je crois qu’il y a insuffisance d’exigence intellectuelle, pas seulement pour l’écrivain mais pour quiconque, à se satisfaire de la notion de « gauche ». Pour ma part le problème d’une gauche d’écrivains ou d’oeuvre littéraire ne m’intéresse pas. Par contre celui d’une littérature conservatrice ou progressiste, réactionnaire ou révolutionnaire m’intéresse.

Il y a toujours eu des écrivains réactionnaires, progressistes, révolutionnaires, apolitiques. Si le nombre des écrivains progressistes dans la littérature classique, celle du passé qu’on apprend en classe, est plutôt mince, nul révolutionnaire n’hésite à considérer l’ensemble de ces oeuvres classiques comme « progressiste ». Pourtant, ces Virgile ou ces Molière des grands ? étaient de plats valets du pouvoir, ces grands classiques ne sont pas autre chose que la floraison de la tyrannie et de l’oppression. L’on trouve facilement réponse à ce paradoxe : les oeuvres vraiment « littéraires » ont au moins un double contenu: un contenu historique, contingent, réactionnaire souvent ?, et un contenu humain plus profond, valable, qui les classe dans l’héritage culturel, dans l’effort humain vers plus de dignité. ... ».

Provenance : Bibliothèque Maurice Nadeau

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