L’AVIS DU LIBRAIRE

 

Exemplaire "du" roman de la Résistance en grand papier et envoi adressé à Maurice Nadeau

GARY (Romain)

Éducation européenne

Roman

Paris, Calmann-Lévy, 1945

18,7 x 12 cm, broché, couv. imprimée, 1 f. n. ch., 178 pp., 2 ff. n. ch..

Edition originale du premier roman de l'auteur.

Un des 200 ex. num. imprimés sur papier Outhenin-Chalandre, seul grand papier.

Important envoi autographe signé de l'auteur : "A Maurice Nadeau, / en le remerciant d'avoir aimé / ce livre, et de l'avoir dit / si résolument, en plein / existentialisme, sans craindre / la répression ! / Romain Gary / Paris / 1946".

Bel exemplaire broché tel que paru, non coupé.

On joint une rare et importante lettre autographe signée de l'auteur à Maurice Nadeau le remerciant pour la longue chronique qu'il a consacré à Éducation européenne dans Combat et en rapport avec son prochain ouvrage Tulipe qui sera publié par Calmann-Lévy, le 6 juin 1946.

Y sont notamment évoqués Jean-Paul Sartre, directeur des Temps modernes dont le premier numéro paraîtra en octobre 1945 et Albert Camus, directeur de Combat :

Retranscription : « 25 sept. [1945] / Cher Monsieur, Je m'excuse du retard considérable que j'ai mis à répondre à votre lettre et à vous remercier, aussi, de l'article si généreux que vous avez bien voulu consacrer à "Éducation européenne" dans Combat. Je pense que la façon la plus sûre, la seule façon de vous remercier, et de justifier, par mon nouveau livre, la confiance que vous semblez mettre en moi. Ce livre est sur le point d'être terminé, mais si je ne puis, pour le moment, vous donner un extrait à publier, pour la raison suivante: j'ai plus ou moins promis ce manuscrit à une revue dont le titre m'échappe. Je crois que c'est "Les Temps nouveaux" ou "Les Temps modernes" ou quelque chose comme ça - dont le directeur futur, Mr Sartre, m'a assez longuement parlé à mon avant-dernier passage à Paris. Si cette revue ne se matérialise pas ou s'il apparait contrairement à ce qu'il me parait, que je n'ai fait aucune promesse à personne et en particulier pas à Mr. Sartre, je serais très heureux de vous soumettre mon nouveau livre pour que vous puissiez y choisir un bon morceau. Je m'excuse d'entrer dans des ces détails idiots, mais la vérité est que je ne sais plus très bien ce que j'ai promis et ce que je n'ai pas promis et à qui. Je crois que Albert Camus pourrait vous expliquer ma situation un peu compliquée ; je sais que vous le connaissez. Je m'excuse d'ailleurs de vous importuner avec ces détails ridicules. En attendant, je ne puis que répéter encore une fois ceci : je ferais de mon mieux pour justifier la confiance que vous avez mis en moi. Romain Gary ».

Chose peu commune pour un premier roman, Maurice Nadeau consacre quatre articles à Éducation européenne en 1945.

Le 31 août, il publie une longue chronique élogieuse dans Combat : "[...] S'il ne fait pas de doute que demain le nom de Romain Gary et de son roman Éducation européenne soient sur toutes les lèvres, c'est qu'il n'a pas écrit un roman de résistance, mais « le » roman de la Résistance, ou plus exactement, puisque ce vocable a déjà pris un sens étroit, il a écrit l'histoire de la lutte des peuples opprimés d'Europe sous la schlague fasciste, et ce, en un ouvrage qui ne compte pas deux cents pages, ce qui montre en passant qu'une fresque de cette ampleur et de cette importance n'a pas besoin des eaux du roman-fleuve bavard tout juste propres à l'y noyer [...]".

Les 7 et 8 septembre toujours dans Combat, Nadeau publie l'interview de Romain Gary effectuée immédiatement après que le Prix des Critiques lui ait été décerné, à six voix contre quatre pour André Dhôtel pour Les Rues dans l'Aurore, et livre un portrait du "lauréat qui ignore l'existentialisme" : "J'adore Malraux, me dit-il, et Camus. Il y a chez Camus une violence dans l'amour de la vie. On me dit qu'il est pris ici pour un désespéré un "défaitiste"...".

Le 10 novembre, il donne son dernier article dans Terre des hommes : " [...] Je le rassure, je lui dis que son livre est bon, qu'il a su parler de la Résistance, qu'elle soit polonaise ou française, l'engagement était le même, avec une hauteur de vues et une pitié humaine qui font disparaître le thème étroit derrière la lutte des hommes acharnés contre un mauvais destin [...]".