GIRODIAS (Maurice)

Appel à l'aide de la revue Critique et à propos de « l'affaire » Henry Miller

25 avril et 5 mai 1947

LAS de 2 pp. in-4 du 25 avril 1947 et LS d'1 p. in-4 du 5 mai 1947

Une lettre autographe signée et une lettre signée, adressées à Maurice Nadeau, demandant d'apporter de l'aide à la revue Critique et en rapport avec « l'affaire » Henry Miller.

Dans la première, Girodias explique les difficultés actuellement rencontrées par la revue : « nous tentons actuellement un effort assez considérable afin de parvenir à y intéresser un public plus large que ces quelques centaines de lecteurs qui s'intéressent actuellement à la revue » et demande à Maurice Nadeau s'il est possible de faire passer dans Combat un article de soutien. Il conclut en faisant référence à l'article "André Gide et Jean Cassou adhèrent au comité de défense Henry Miller", paru dans Combat le 21 mars 1947, dans lequel Nadeau lançait une pique au Cartel d'Action sociale et morale, ligue de vertu dirigée par Daniel Parker, qui avait porté plainte, contre Boris Vian à l'occasion de la publication de « J'irai cracher sur vos tombes », et réitérait plus vigoureusement encore, avec Henry Miller, qualifié de « plus pornographique des auteurs de langue anglaise ».

Dans la seconde, Girodias remercie Nadeau pour son accord et revient sur "l'affaire" Henry Miller.

Fondateur des Éditions du Chêne en 1941, illustrateur de la célèbre couverture de Tropic of cancer d'Henry Miller édité en 1934 par Obelisk Press fondé par son père, Maurice Girodias (1919-1990) n'aura cesse de soutenir l'oeuvre d'Henry Miller. Il publiera notamment l'édition originale de Sexus en 1949 et plus tard, en 1955, à l'enseigne d'Olympia Press, celle de Lolita de Vladimir Nabokov.

Retranscription :

LAS, de 2 pp. in-4, rédigée à l'encre sur papier à en-tête des éditions du Chêne :

« 4 rue de la Paix / Opéra 6760 / 25 avril 1947 / Monsieur Maurice Nadeau / Combat / Cher Monsieur, Je suis un peu honteux de reprendre contact avec vous pour vous présenter une requête, ma foi, assez délicate.

Il s'agit de "Critique", que vous connaissez sans doute. Vous avez peut-être apprécié l'effort que représente cette revue, et jugé ses qualités et ses défauts. La formule assez nouvelle que Bataille a créée est sans doute encore loin de la perfection, comporte des défauts et des lourdeurs. Malgré cela, je pense que Critique mérite une place assez honorable parmi les revues contemporaines, ne serait-ce précisément que par la nouveauté de son principe et son sérieux.

Une telle entreprise ne manque malheureusement pas d'aléas. Critique est pour nous une charge fort lourde en raison même de son sérieux qui décourage l'abonné des revues littéraires du type courant. Ainsi nous tentons actuellement un effort assez considérable afin de parvenir à y intéresser un public plus large que ces quelques centaines de lecteurs qui s'intéressent actuellement à la revue. Nous parviendrons certainement à un résultat positif et rapide si nous pouvions obtenir l'aide de quelques journaux et des quelques critiques influents.

C'est pourquoi je viens vous demander très candidement votre aide. A condition, bien entendu, que vous en jugiez la revue digne. Je ne voudrais pas que vous preniez en mauvaise part cette démarche, qui semble, un appel à la publicité... D'ailleurs, c'en est un. Mais je suis sûr que vous comprendrez que si Critique mérite de subsister, ce ne peut être que si on en parle, et en la faisant connaître des gens qui sont susceptibles de s'y intéresser.

Je sais que Combat a consacré quelques petits paragraphes très élogieux à la revue, mais je pense qu'il vous serait peut être possible de faire plus.

J'ai lu votre réponse au sinistre [Roubaud?]. Je vous admire d'avoir trouvé quelque chose à rétorquer à son article étonnant d'ineptie. Mais, hélas, "l'affaire" semble bien tourner en queue de poisson, et je crains bien que nous n'aurons pas l'occasion de nous expliquer avec les Parkérites. Bien cordialement vôtre, M. Girodias ».

LS, d'1 pp. in-4, sur papier à en-tête des éditions du Chêne :

« Cher Monsieur, Je vous remercie vivement de votre lettre, et de l'aide que vous acceptez d'apporter à Critique. Je ne doute pas que cela n'aide considérablement la revue, qui trouvera dans un tel encouragement les raisons et les moyens de se perfectionner. Bataille vient à Paris cette semaine, et je lui ferai part de votre décision dès son arrivée.

Quant à "l'affaire", je n'ai nullement abandonné l'idée de la brochure dont je vous avais parlé; mais c'est un problème terriblement délicat; il est fort difficile de rendre lisible cette masse d'articles disparates et trop souvent médiocres. C'est pourquoi il serait utile de rendre l'ensemble un peu plus vivant en y ajoutant des lettres telles que celles auxquelles vous faites allusion. Je vous en reparlerai prochainement, dès que mon projet aura pris forme de façon plus précise (j'ai d'ailleurs quelques lettres intéressantes de Keyserling, Huxley, Cendrars, etc. à Miller).

D'autre part, je suis en train d'étudier la possibilité d'attaquer Parker en diffamation. Ses circulaires ridicules rendent la chose possible, et cela ferait un procès malgré tout. Cela risquerait d'être assez amusant, et permettrait une explication publique. Qu'en pensez-vous ?

Je vous prie de croire, cher Monsieur, à mes meilleurs sentiments. M. Girodias ».

200 €