BEAUVOIR (Simone, de)

Djamila Boupacha

s.d. [1962]

In-4 (30,1 x 22,9 cm), reliure souple à la Vernier en plein veau naturel teinté gris clair, dos lisse avec titre, en long sur le volume et la chemise, au film rouge sang, par Claude Ribal, décor estampé d'une eau-forte originale composée à partir des pages manuscrites de l'autrice, et partiellement couvert de larges projections de teinture rouge sang, trois tranches dorées sur témoins à l'or blanc par Jean-Luc Bongrain, gardes de chèvre velours gris ardoise, chemise et étui entièrement bordé assortis (Louise Bescond, 2022), 27 pp. au total (pagination de 1 à 18, comportant en sus les pages 6 bis, 11 bis, 11 ter et 14 bis et 5 pages intégralement biffées) rédigées sur 14 ff. montés sur onglet

Important manuscrit autographe signé du long texte de Simone de Beauvoir ouvrant l'ouvrage collectif de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir consacré à Djamila Boupacha, paru en 1962 chez Gallimard.

Ce manuscrit de 27 pages in-4, rédigées recto verso à l'encre bleue, comporte de nombreuses corrections et d'importants passages biffés, donnant à un lire une version différente du texte final retenu pour la publication.

Retranscription de la première page : « Une Algérienne de 23 ans, agent de liaison du F.L.N., a été séquestrée, torturée, déflorée à coups de bouteille par des militaires français : c'est banal. Depuis 1955, nous sommes tous complices d'un génocide qui, sous le nom de répression puis de pacification a fait plus d'un million de victimes : hommes, femmes, vieillards, enfants, mitraillés au cours des ratissages, brûlés vifs dans leurs villages, abattus, égorgés, éventrés, martyrisés à mort ; des tribus entières livrées à la faim, au froid, aux coups, aux épidémies, dans ces "centres de regroupement" qui sont en fait des camps d'extermination – servant accessoirement de bordels aux corps d'élite – et où agonisent actuellement plus de cinq cent mille Algériens. Au cours de ces derniers mois, la presse, même la plus prudente, a déversé sur nous l'horreur : assassinats, lynchages, ratonnades, chasses à l'homme dans les rues d'Oran ; à Paris, au fil de la Seine, pendus aux arbres du bois de Boulogne, des cadavres par dizaines ; des mains brisées ; des crânes éclatés ; la Toussaint rouge d'Alger. Pouvons-nous encore être émus par le sang d'une jeune fille ? Après tout, – comme l'a insinué finement M. Patin, président de la Commission de sauvegarde, au cours d'un entretien auquel j'assistais – Djamila Boupacha est vivante : ce qu'elle a subi n'était donc pas terrible [...] ».

Admirablement relié, avec conviction, par Louise Bescond.

Militante du Front de libération nationale (F.L.N.) algérien née en 1938, Djamila Boupacha fut arrêtée en 1960 pour une tentative d'attentat à la bombe à la Brasserie des Facultés d'Alger en 1959. A la demande de son avocate, Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir rédigea un article paru dans Le Monde le 2 juin 1960 afin de dénoncer les méthodes en vigueur de l'armée française en Algérie.

L'affaire Djamila Boupacha prit une ampleur médiatique internationale après la création d'un "Comité pour Djamila Boupacha" en juin 1960, par Simone de Beauvoir, et comprenant notamment Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gabriel Marcel, Geneviève de Gaulle, Aimé Césaire et Germaine Tillion.

Deux ans plus tard, en 1962, Gisèle Halimi consacrera un livre à Djamila Boupacha, avec un long texte d'introduction de Simone de Beauvoir et illustré en couverture d'un portrait par Picasso. Cet ouvrage rassemble des témoignages d'Henri Alleg, Mme Maurice Audin, du Général de Bollardière, R.P. Chenu, du Dr Jean Dalsace, J. Fonlupt-Esperaber, Françoise Mallet-Joris, Daniel Mayer, André Philip, J.-F. Revel, Jules Roy et Françoise Sagan, des hommages des peintres Lapoujade et Matta.

Gisèle Halimi, figure majeure du féminisme en France, est décédée le 28 juillet 2020.