L’AVIS DU LIBRAIRE
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L'exemplaire le plus précieux du Grand Meaulnes mis en vente depuis celui dédicacé à Charles Péguy |
Le Grand Meaulnes
Paris, Émile-Paul Frères, 1913
In-12 (18,8 x 12 cm), broché, couverture imprimée en rouge et noir, 1 f. fin de brochage, 4 ff. n. ch. (faux-titre, titre, dédicace, titre de la première partie), 366 pp., 1 f. n. ch..
Édition originale.
Exemplaire de tout premier tirage, imprimé spécialement pour l'auteur sur alfa satiné, le n° 12.
Important envoi autographe signé de l'auteur : "A Marguerite Audoux / bien affectueusement / H. Alain Fournier".
Broché, couverture portant quelques marques du temps.
On joint :
ALAIN-FOURNIER. Lettre autographe signée [à Yvonne Brochet de Quièvrecourt].
La Chapelle d’Angillon 23 août 1913, LAS de 2 pp. in-8 à [à Yvonne Brochet de Quièvrecourt], rédigée à l'encre noire sur un bifeuillet de papier crème (17,5 x 13,3 cm).
Très belle et rare lettre autographe signée adressée à Yvonne Brochet de Quièvrecourt, qui avait subjugué Alain-Fournier lors de leur première rencontre en 1905, modèle d’Yvonne de Galais dont Augustin Meaulnes tombe éperdument amoureux dans le roman.
Alain-Fournier lui adresse un exemplaire de Marie-Claire, roman, de Marguerite Audoux qui l'a profondément marqué et influencé, peu après leur dernière rencontre à Rochefort.
Lettre citée dans "Rencontre d'Alain-Fournier et de Marguerite Audoux", p. 18.
Transcription :
"La Chapelle d'Anguillon, le 23 août 1913
Chère Madame, Je me permets de vous envoyer ce livre que j'ai demandé pour vous à ma vieille amie Marguerite Audoux. Il me semble qu'il vous plaira. Je crois que vous en aimerez la seconde partie, si simple et pourtant si mystérieuse, qui se passe chez des paysans de la Sologne.
C'est un livre que j'ai beaucoup admiré. Et je viens de relire, sur votre exemplaire, avec encore une grande émotion, l'épisode si beau de sœur Désirée-des-Anges.
Depuis que j'ai quitté Rochefort, j'ai fait plusieurs voyages et suis maintenant fixé pour quelques semaines dans le village où je passe toujours une partie de mes vacances. Il m'est parfois difficile de supporter le calme si grand, la quiétude parfaite de cette campagne du Berry. Tant de paix est faite pour les gens heureux.
Oserai-je vous demander, chère Madame, de m'envoyer quelques fois de vos nouvelles, des nouvelles de votre famille, de vos enfants. Peut-être est-ce beaucoup demander? Car la seule excuse à la liberté que je prends ici est la parfaite amitié que j'ai vouée depuis si longtemps à vous et à ceux que vous aimez.
Comment vont ce sage petit garçon que j'ai embrassé ; cette charmante et turbulente petite fille qui est venue s'asseoir sur mes genoux ? J'aimerais l'apprendre de vous. J'aimerais que ne fût pas interrompue pour toujours la conversation que nous avons eue Rochefort. Il y a mille choses de ma vie, de mon travail, que je souhaiterais vous raconter. Peut-être cela ne vous ennuierait-il pas. Et puis je suis sûr que vos réponses me seraient de précieux conseils. J'ai toujours trouvé à vos paroles une prudence, une gravité, que n'ont pas celles des autres jeunes femmes.
Voulez-vous, chère Madame, assurer de mes sentiments parfaitement déférents et sympathiques Monsieur Brochet que je souhaite beaucoup connaître un jour.
Et voulez-vous agréer l'hommage de ma très respectueuse et fidèle amitié. Henri Alain-Fournier. à La Chapelle d'Angillon. Cher."
ALAIN-FOURNIER. Miracles
Paris, Nouvelle Revue française, 1924. In-12 (18,5 x 11,8 cm), broché, couverture crème imprimée en rouge et noir, 217 pp., 3 ff. n. ch.
Édition originale de ce recueil posthume de poèmes et nouvelles, rassemblés par Jacques Rivière.
Un des 792 exemplaires numérotés imprimés sur vélin pur fil Lafuma-Navarre (après 108 ex. sur vergé pur fil réimposés au format in-4 Tellière), parmi ceux-ci un des 30 exemplaires d'auteur hors-commerce, le n° 765.
Important envoi autographe signé de Jacques Rivière : "à Marguerite Audoux, / pour qui l'amitié, et / l'admiration d'Alain-Fournier / étaient profondes, / en signe de respectueuse / sympathie / Jacques Rivière".
Longue introduction de Jacques Rivière (79 pp.), comprenant en pp. 24-27, la transcription de "A travers les étés", long poème rédigé en juillet 1905, dédié à une jeune fille [Yvonne], "venue, une après-midi chaude dans les avenues, sous une ombrelle blanche..." et dans laquelle il revient longuement sur la genèse du Grand Meaulnes, et évoque les principales influences de son auteur : Marguerite Audoux et son roman Marie-Claire, Stevenson, et, dans une certaine mesure, Charles Péguy" (pp. 61 et suivantes).
Provenance magistrale pour cet exemplaire du Grand Meaulnes resté jusqu'à ce jour, inconnu des meilleurs spécialistes et exégètes d'Alain-Fournier.
On se reportera avec intérêt à l'article de Jérôme Mazzariol titré "Au Grand Meaulnes, la bibliophilie reconnaissante", paru dans le n° 54 d'Histoires littéraires (avril-mai-juin 2013), recensant les principaux exemplaires dédicacés du Grand Meaulnes.
Un bulletin des Amis de Jacques Rivière et d'Alain-Fournier, le n° 79-80, daté du 2ème trimestre 1996 et titré "Rencontre d'Alain-Fournier et de Marguerite Audoux" fournit, sur près de 70 pages, de précieuses informations concernant les relations nouées par l'auteur des Grand Meaulnes et l'autrice de Marie-Claire.
La vie de l'auteur d'Alain-Fournier fut jalonnée de rencontres, celle d'Yvonne de Quiévrecourt, "la jeune fille du Cours-la-Reine", qui illumina sa vie, celles d'écrivains qui marquèrent son cheminement par la révélation de sa propre identité : Francis Jammes, Paul Claudel et Charles Péguy grâce à qui ses personnages "achevèrent de naître à la vie concrète et, sans rien perdre de leur dignité d’anges, trouvèrent les gestes précis qui les approchèrent définitivement de nous" (Jacques Rivière).
Il lui restait à rencontrer quelqu’un qui l’aide "à trouver la parole pour ce qu’(il sentait)". Plus qu’une question de style (qu’il possédait déjà sans le savoir), c’était une question d’âme. Il avait besoin de trouver une confirmation de sa façon de "ne sentir des choses que la fleur" : Marguerite Audoux.
Après avoir lu, les larmes aux yeux, Marie-Claire, paru dans la Grande Revue, Alain-Fournier en fait la chronique dans Les Cahiers Nivernais et du Centre : Marguerite Audoux "vient de publier un roman digne de réhabiliter les femmes-auteurs dans l'esprit des gens de goût". Peu après leur première rencontre en août 1910, Alain-Fournier rédigera un premier portrait de sa consœur, originaire, comme lui, de Sologne, puis le 1er novembre 1910 dans la Nouvelle Revue française un article louangeur consacré à Marie-Claire, où il y a tant de bonté, de simplicité et de grandeur : « un poème de la vie intérieure » car c’est bien « chez ces paysans du centre de la France, que la vie du cœur est le plus intense parce qu’elle est aussi le plus cachée ».
La capacité de Marguerite Audoux à révéler avec sobriété les troubles du cœur, l’intime tragédie d’une existence, les réminiscences de l'enfance, son attachement à sa Sologne natale et sa faculté d'émerveillement auront une influence notoire sur Alain-Fournier qui s'en nourrira pour achever la rédaction de son unique roman. Alain-Fournier en témoignera dans des lettres adressées à Jacques Rivière ou à Jean Schlumberger à qui il se déclare "si directement touché par Marguerite Audoux" et "si parfaitement" concerné par ses écrits.
Devenus de proches amis, Alain-Fournier et Marguerite Audoux échangeront une correspondance intime jusqu'au décès du premier sur le front le 22 septembre 1914.
En août 1914, Alain-Fournier adressera une dernière missive à Marguerite dans laquelle il lui demandait de détruire les lettres qu'il lui avait envoyées en août 1913 relatant sa dernière "entrevue" avec Yvonne de Quiévrecourt. Cette demande il la formulait de peur que sa maîtresse Pauline Benda, alias Madame Simone, l'épouse de Claude Casimir-Perier dont il était devenu le secrétaire en avril 1912 n'en prenne ombrage. Marguerite s'exécuta.
Après avoir appris dans le Journal le décès d'Alain-Fournier, Marguerite Audoux confiera à son ami Antoine Lelièvre : "Je vous ai dit que je l'aimais comme un fils, et j'en ai pour longtemps à le pleurer".
Précieux ensemble liant les trois personnalités féminines les plus proches d'Alain-Fournier : Marguerite Audoux, Yvonne de Quiévrecourt et, en filigrane, Pauline Benda, alias Madame Simone.
Provenance : Marguerite Audoux (Le Grand Meaulnes et Miracles, envois autographes), Ancienne collection Daniel Sickles (Lettre à Yvonne Brochet de Quièvrecourt, Littérature du XXe siècle, 14-15 juin 1983, n° 4)
30 000 €
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