L’AVIS DU LIBRAIRE
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Très rare exemplaire en grand papier dédicacé au secrétaire général de Julliard, accompagné d'une formidable lettre autographe signée |
Bonjour tristesse
Paris, Julliard, 1954
In-12 (18,5 x 12 cm), broché, couverture crème imprimée en vert et noir, 188 pp., 2 ff. n. ch., étui-chemise réalisé par Carine Vilaine
Édition originale.
Un des 20 exemplaires d'auteur imprimés sur vélin alfa Navarre, seul tirage de tête avec les 30 exemplaires numérotés, imprimés sur le même papier, mis dans le commerce.
C'est une mention autographe signée de René Julliard portée dans un exemplaire de ce tirage qui permet de connaître le nombre des hors-commerce : "l'éditeur soussigné certifie que le nombre d'exemplaires hors-commerce qui a été tiré pour l'auteur est de vingt, passe et défets compris ".
Envoi autographe signé rédigé à l'encre bleue sur le faux-titre au secrétaire général des éditions Julliard : "A Michel Bouis, en / hommage de l'auteur / Françoise Sagan".
Broché, en bel état, petites et pâles taches sur la couverture, discrètes rousseurs aux premiers et derniers feuillets, petite déchirure restaurée.
Exemplaire enrichi d'une rare lettre autographe signée de 3 pages in-8 (17,8 x 15,1 cm), de Françoise Sagan à Michel Bouis, rédigée à l'encre bleue sur papier pelure vergé à en-tête de l'Hôtel Pierre à New York alors qu'elle y séjournait pour la promotion de la première édition américaine de Bonjour tristesse, portant en dernière page un tampon humide daté du 26 avril 1955.
Sagan y rend compte de son séjour "claquant" à New York et du succès rencontré par son roman outre-Atlantique et réclame qu'en guise de règlement de ses droits d'auteur un chèque non barré (et donc endossable) d'un montant conséquent - l'équivalent de presque un million d'euros d'aujourd'hui - soit adressé à son amie Florence Malraux.
Formidable document, marques de pli central, légères traces d'oxydation.
Transcription :
"Cher Monsieur,
Je vous écris de New York où tout va bien, mais où je mène une vie claquante. Heureusement je pars pour la Floride après-demain. J'espère que tout va bien chez vous, et que vous n'avez pas trop de soucis. Ici le roman à la tristesse se vend très bien. Il est le 2e best-seller au[x] USA et le 1er à New York. Tout le monde est très content.
Puis-je vous demander encore un service ? Ce serait d'adresser à Florence Malraux, chez Gallimard, un chèque non barré de trois cent cinquante mille francs ? Je vous en remercie mille fois d'avance. Je pense rentrer à la fin mai. Faites, s'il vous plait, mes amitiés à tout le monde et croyez, cher Monsieur à toute mon amitié.
Françoise".
Et joint également le double carbone de la réponse adressée par Michel Bouis à Françoise Sagan :
"Paris, le 26 avril 1955
Ma chère Françoise, J'ai bien reçu votre lettre et j'ai fait tout de suite le nécessaire pour votre amie Florence Malraux.
Je vous souhaite une bonne fin de séjour et enrichissante aux États-Unis, mais je ne vous envie pas. Je pars demain faire l'ouverture de la truite en Haute-Savoie et j'estime, quant à moi, que mon sort est préférable au vôtre.
Toute mon amitié, ma chère Françoise, votre
Michel Bouis".
Ensemble conservé sous étui-chemise confectionné par Carine Vilaine.
Très rare avec envoi.
A notre connaissance, seul un autre exemplaire de Bonjour tristesse en grand papier et dédicacé par Françoise Sagan n'est apparu sur le marché ces dernières années, celui de la salonnière américaine Florence Jay-Gould, proposé par notre confrère Laurent Coulet en 2025 (Catalogue 87, Les Femmes & Le Livre, n° 108). L'exemplaire que nous proposons, hors-commerce, fut très vraisemblablement dédicacé par Françoise Sagan dès parution début mars 1954. Celui de Florence Gould, le n° 1 du tirage dans le commerce, ne sera adressé que plus tard, en guise de remerciements, la teneur de l'envoi semblant suggérer que son autrice ait, au moment de sa rédaction, publié plusieurs ouvrages.
Par ailleurs les deux lettres jointes à notre exemplaire, révélant la complicité liant Françoise Sagan à Michel Bouis rendent notre exemplaire hautement désirable.
Pour conclure, rappelons que les lettres de Sagan relatives à Bonjour tristesse ne courent pas les rues, ni la 5ème avenue !
Au sortir de la guerre, Michel Bouis joua un rôle important dans l'essor des éditions Julliard. Faisant partie des troupes d'occupation en Allemagne après la Libération, il y intercepta plusieurs trains de transport de papier dont il fit bénéficier René Julliard. Assuré d'un approvisionnement régulier en feuilles, Julliard put ainsi publier de nombreux ouvrages dès la fin de la guerre. Les deux hommes s'entendant bien, Michel Bouis fut nommé secrétaire général administratif des éditions Julliard.
Florence Malraux, la meilleure amie de Françoise Sagan, et sa première lectrice joua quant à elle un rôle important dans la publication de Bonjour tristesse, faisant lire le manuscrit à sa mère Clara et conseillant à sa jeune amie, âgée de tout juste 18 ans, de le faire publier sans plus attendre. C'est par l'intermédiaire de Jacqueline et Colette Audry que le manuscrit fut communiqué à René Julliard, qui en signant rapidement un contrat d'édition avec l'autrice, devançant ainsi ses concurrents, s'assurera son plus grand succès d'éditeur.
Bonjour tristesse, premier roman d'"un charmant petit monstre", tel que la qualifia François Mauriac, fit scandale, fut couronné par le Prix des Critiques en 1954, rencontra un succès considérable et assura à son autrice notoriété et fortune.
Le roman fut publié l'année suivante aux États-Unis par E. P. Dutton. A sa demande, Françoise Sagan se rendit à New York en avril 1955, accompagnée de sa sœur Suzanne, afin d'assurer la promotion de son roman auprès du public américain. Bonjour tristesse - "the sensation of Europe" - y fut immédiatement un best-seller : 43 000 exemplaires vendus en moins d'un mois et plus d'un million un an plus tard.
Logée dans une luxueuse suite du fameux hôtel Pierre, faisant face à Central Park, Sagan y fut l'objet de multiples et éreintantes sollicitations : interviews en chaîne, conférences de presse, émissions de télévision, séances photos (pour les couvertures de nombreux journaux), soirées et bals.
A sa descente d'avion elle avait été accueillie par Hélène Gordon-Lazareff et le directeur d'Hachette Guy Schoeller. Celui qui avait parié mettre la jeune autrice dans son lit deviendra plus tard son premier mari...
Le roman fut adapté à l'écran en 1958 par Otto Preminger avec Jean Seberg et David Niven dans les rôles principaux.
François Dosse, Les hommes de l'ombre, Portraits d’éditeurs, Perrin, 2014 (p. 169)
Sophie Delassein, Aimez-vous Sagan, Fayard, 2002 (p. 50-51)
30 000 €
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